jeudi 11 octobre 2012

Processus d'Individualisation

Echos du groupe de post-formation des professionnels de l'Approche Centrée sur la Personne.

Juillet 2012

La Soleillette.


Ces quelques réflexions ne sont ni un compte rendu ni une synthèse.
Elles m'ont été inspirées dans la fluidité du déroulement du groupe :
quelques notes de lecture sur le processus du groupe
et les processus humains qui s'y révélaient à mes oreilles.

Ce processus pourrait s'appeler : de la conscience fusionnelle à l'individuation, en passant par l'essentielle étape de l'individualisation.

Il y a très longtemps dans l'histoire de l'évolution et au point de départ dans la vie de l'enfant, existe la conscience fusionnelle. Nous pouvons l'observer chez les animaux en regardant, par exemple,  l'évolution d'un troupeau, d'un vol d'oiseaux ou les mouvements d'une fourmilière : chaque individu remplit son rôle et n'existe que par son appartenance à l'ensemble ; c'est une conscience "d'âme-groupe".

Nous pouvons observer cet état de conscience chez le tout-petit enfant, lorsqu'il est encore, dans son expérience, "confondu" avec sa mère. C'est pourquoi il peut exprimer tellement d'angoisse lorsque celle-ci disparaît.

Puis, vient la conscience du "je suis", j'existe en tant qu'individu séparé. L'enfant l'apprend d'abord durement à travers les frustrations liées à l'absence ou à la non réponse immédiate de ceux qui prennent soin de lui. Puis il l'éprouve dans l'expérience du NON. Le non de l'enfant n'est pas en premier lieu une opposition à l'adulte ; il est, bien plus essentiellement, une revendication à l'existence. C'est comme s'il disait : " J'existe, je suis un individu à part entière, et on ne peut pas faire de moi ce que l'on veut." Ce NON apparaît, bien avant le langage, dans le comportement de l'enfant, lorsqu'il refuse de se laisser tranquillement habiller ou laver. Il se porte aussi sur l'alimentation, le sommeil, la propreté, partout où une volonté personnelle trouve l'occasion de s'exprimer.

Cette individualisation, étape fascinante et essentielle dans l'histoire de l'humanité et dans l'histoire d'un être humain, a de grandes conséquences. Carl Rogers les souligne dans sa théorie de la personnalité :

  • Le besoin de considération : le "moi" naissant de l'enfant, pour vivre physiquement et psychologiquement, a absolument besoin d'un regard positif et bienveillant de la part de ses parents et de ceux qui prennent soin de lui. Il grandit le plus favorablement lorsqu'il peut percevoir cette alliance des adultes pour sa croissance. Pour l'obtenir, l'enfant et l'adulte ensuite, est capable de renoncer à lui-même, c'est-à-dire à ses propres émotions et sentiments, à ses propres pensées. Cette "Considération Positive Inconditionnelle" est d'autant plus difficile à accorder au quotidien, que l'enfant, poussé par son besoin d'existence individuelle, va continuer à s'opposer, (du moins en apparence) usant la patience des adultes.
  • La recherche de sa place : n'existant pas par sa seule appartenance au groupe, l'individu humain a un essentiel besoin de trouver sa place dans ce groupe et d'être reconnu à cette place. A ce besoin, est associé la recherche, l'inquiétude, la crainte de ne pas avoir de place, d'être rejeté, etc...Certaines fois et pour certaines personnes, le rejet équivaut à une sorte de mort.
  • L'importance du lien humain qui valide l'individu dans sa place et dans son être. Ce n'est plus, à ce stade, un lien fusionnel, mais une relation qui reconnaît l'un et l'autre, et recherche la bonne distance : une relation JE-TU au sens du philosophe BUBER.

Lorsque les processus, souvent douloureux, de l'individualisation ont été plus ou moins traversés, s'amorce une étape nouvelle. Ce pourrait être "l'Individuation" au sens de JUNG. Cette étape est souvent vécue comme une Re-naissance, un processus de création où la personne se créée elle-même dans la plénitude de son individualité. J'aime y voir une Création de l'Humain.
Quelques éléments, bien incomplets, de cette Création :

  • L'évolution peut être perçue comme une transformation continuelle. Le développement ne s'arrête jamais et n'est pas limité par l'âge.
  • En chaque personne comme en l'univers, je peux reconnaître un mouvement de concentration et un mouvement d'expansion : au centre, ces mouvements se rencontrent, tourbillonnent, luttent à la manière de forces contraires...jusqu'à l'atteinte d'une mini-synthèse ou point de tension d'où une nouvelle étape de croissance peut émerger.
  • Bien qu'il y aspire constamment, l'être humain ne semble pas fait pour s'installer longtemps dans un  bonheur tranquille et passif. La dualité est toujours présente et la recherche d'équilibre est constante. Mais à travers cette recherche, en traversant l'expérience de la solitude et le combat pour la Vie, l'individualité grandit. Je crois qu'elle se créé en permanence, jusqu'au moment où une autre conscience pourra apparaître : une conscience de groupe qui ne sera plus ni fusionnelle ni seulement individuelle, mais conscience d'ensemble.